Ces 10 et 11 décembre 2023, comme à chaque fin d’année, le Conseil Européen « Agriculture et pêche » s’est réuni à Bruxelles pour fixer les TAC et quotas pour l’année 2024. Dans l’attente du rapport définitif du Conseil Européen et de la parution de ce texte au journal officiel, nous pouvons déjà vous présenter les décisions qui devraient s’appliquer à partir du 1er janvier 2024 pour la pêche récréative en mer.
Dès que les documents officiels seront publiés nous mettrons à jour cet article pour confirmer (normalement) ou corriger/compléter les informations ci-dessous qu’il faudra donc, pour le moment, encore lire avec une petite réserve.
Point sur la règlementation de pêche du bar et du lieu jaune pour 2024
Parmi toutes les décisions prises cette année, une des plus notables est sans doute l’abaissement du quota pour la pêche du bar, qui devrait passer à 1 bar prélevé par jour et par pêcheur au Sud du 48ème parallèle. Des contraintes pour la pêche du lieu jaune (au Nord comme au Sud du 48ème parallèle) seraient également mises en place pour 2024, avec un quota fixé à deux lieux jaunes par jour et par pêcheur et une interdiction totale de prélèvement du 1er janvier au 30 avril.
A ce jour et à notre connaissance toutes les informations concernant la pêche du lieu n’ont pas encore été dévoilées dans un document officiel. Concernant le bar, d’après la proposition de règlement du conseil européen établissant, pour 2024, 2025 et 2026, les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques en Europe, il en résulte :
Au Nord du 48ème parallèle (divisions CIEM 4b, 4c, 6a et 7a à 7k) :
- La réglementation reste inchangée avec un quota fixé à 2 bars par pêcheur et par jour.
- La période d’interdiction totale de prélèvement du 1er février au 31 mars 2023 est maintenue. Notez que durant cette période la pêche en « no-kill » reste autorisée.
- La taille minimale légale du bar reste à 42 cm
Au Sud du 48ème parallèle (divisions CIEM 8a et 8b)
- La nouvelle réglementation imposerait donc un quota maximal de 1 seul bar par jour par pêcheur.
- La maille du bar reste à 42 cm
En Méditerranée : Pas de modification de la réglementation
- Pas de quotas
- Pas de période de fermeture
- Maille à 30 cm
Pourquoi la réglementation est-elle établie en fonction du « 48ème parallèle » ?
Les océans du monde entier ont été « découpés en zones » par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.). Les ressources piscicoles de chacune de ces zones sont évaluées et gérées par des instances différentes. Ainsi, en France, toute notre façade Atlantique, mais aussi notre façade Manche Est – Mer du Nord incluses dans la Zone FAO 27 sont gérées par le CIEM (Conseil international pour l’exploration de la mer qui fédère plus de 1600 scientifiques européens). Ce dernier a donc subdivisé la zone FAO.27 en plusieurs sous-zones (appelées « divisions ») pour une gestion localisée et indépendante division par division (en effet, on peut difficilement concevoir de gérer de la même façon la pêche au Nord de la Norvège et la pêche au large de l’Espagne !). Comme vous pouvez le constater sur cette carte, le 48 ème parallèle Nord a donc été choisi « arbitrairement » par le CIEM pour délimiter les divisions du groupe 7 et celles du groupe 8.
Une fois que l’on a posé ces bases, on se rend vite compte que la limite du 48ème parallèle a été définie pour des raisons « pratiques » sans nécessairement correspondre à une réalité biologique adaptée à la gestion des stocks de telle ou telle espèce. Dans le cas du bar, sitôt qu’on se trouve d’un côté ou de l’autre de cette frontière virtuelle, cela implique donc un changement de réglementation qui s’applique aux pêcheurs de loisirs. Cette limite est donc loin d’être parfaite et n’est pas fondée sur la problématique de ressource du bar en particulier mais c’est elle qui s’applique d’un point de vue réglementaire.
TAC et quotas : pourquoi et comment sont-ils fixés ?
Pour bien comprendre la réglementation et les raisons pour lesquelles celle-ci est modifiée chaque hiver, il est important d’en comprendre les principaux paramètres. Tout d’abord il est faut rappeler que ces TAC et quotas sont avant tout mis en place pour gérer l’activité de la pêche professionnelle et que l’apparition de règles concernant la pêche de loisir est assez récente et ne concerne qu’un très faible nombre d’espèces dont le niveau de stock est jugé préocuppant et pour lesquelles la pêche de loisir constitue une part du prélèvement suffisament sensible pour qu’elle doive être intégrée à la gestion globale de l’espèce. Ainsi, chaque année, pour tenter de contrôler l’effort de pêche et d’éviter la surpêche de certaines espèces, le conseil européen se réunit pour négocier, pour l’année suivante, les possibilités de pêche dans les eaux européennes de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord. Ils délimitent ainsi des TAC et des quotas :
Pour une espèce de poisson donnée, un « TAC » est la quantité maximale qu’il est raisonnable de pêcher dans une zone définie sans mettre en danger la pérennité de l’exploitation de cette ressource. Très clairement il s’agit ici de déterminer jusqu’à quel point on peut aller dans le prélèvement sans risquer l’effondrement du stock de telle ou telle espèce. La Commission européenne émet donc annuellement des propositions préliminaires de TAC, en s’appuyant sur des avis scientifiques indépendants (notamment ceux du CIEM) concernant l’état des stocks de poissons et c’est le Conseil Européen qui donne son dernier mot et vote et adopte ou non ces propositions. Une fois déterminé, chaque TAC est réparti entre ses Etats Membres sous forme de quotas nationaux (des parts du TAC attribuées à chaque état). Pour le bar par exemple en 2024, les TAC et quotas devraient baisser de -20% par rapport à 2023.
Ainsi, parmi les préconisations de la commission Européenne qui viennent d’être votées, on note évidemment celle qui concerne le bar :
« Le bar européen (Dicentrarchus labrax) dans les divisions CIEM 8a et 8b (golfe de Gascogne) est un stock cible relevant du plan pluriannuel relatif aux eaux occidentales. Conformément à l’avis du CIEM40 pour 2024, la biomasse de ce stock a baissé […] en 2023 et devrait encore diminuer en 2024 […]. Par conséquent, des mesures correctives appropriées devraient être adoptées pour assurer le retour rapide de ce stock à des niveaux supérieurs […] Conformément à l’avis du CIEM pour 2024, les possibilités de pêche […] ne devraient donc pas dépasser 1 906 tonnes. […] Dans le cadre de la pêche récréative, y compris depuis la côte, dans les divisions CIEM 8a et 8b: un maximum d’un spécimen de bar européen par pêcheur et par jour peut être capturé et détenu »
Le poids de la pêche récréative sur les captures de bars et de lieus
Cette question revient régulièrement chez nous autres pêcheurs de loisir, mais également chez les scientifiques : quel est l’impact et le poids réel de la pêche récréative sur les captures de bar en France ?
Les études concernant la pêche de loisir sont assez rares et souvent réalisées sur un échantillon de personnes trop faible pour être réellement représentatif. Parmis les études régulièrement citées pour la France on en retrouve deux datant de 2017 et 2018. La plupart des études s’accordent à estimer le nombre de pêcheurs en mer en France dans une fourchette comprise entre 2 et 3 millions de personnes et ceux qui ciblent régulièrement le bar à environ 650.000 à 800.000 personnes pour un impact estimé à environ 27% du prélèvement global (pêche pro + de loisir) en ce qui concerne le bar. Ces chiffres sont à prendre avec beaucoup de pincettes quand on sait par exemple que certaines de ces mêmes études affirment que la pêche en mer est pratiquée à 45% par des femmes. On aimerait bien sûr que ça soit le cas mais soyons honnêtes, tout pêcheur ou toute pêcheuse qui passe un peu de temps au bord de l’eau sait que ce n’est pas vrai et ce type de données qui ressort des sondages apporte beaucoup de discrédit à tout le reste des informations qui en émanent.
Les scientifiques eux-mêmes mettent le doigt sur la difficulté d’estimer l’impact de la pêche de loisir, sur leurs doutes concernant la pertinence des données qui en ressortent et sur les risques de se baser sur ce type d’études pour réglementer cette pratique. Chaque année dans les rapports du CIEM il est mentionné cette nécessité de mieux mesurer l’impact de la pêche de loisir pour pouvoir correctement gérer les stocks et réglementer cette activité.
Notez que l’Europe semble avoir bien entendu ce besoin de mieux gérer et comprendre l’impact de la pêche de loisirs et devrait imposer dans les prochaines années à chaque état membre un vrai programme de suivi de ses pêcheurs de loisirs. On aura probablement bientôt l’occasion de vous en reparler sur notre blog.
C’est donc sur la base de ces données contestables que la proposition de règlement du conseil européen datant du 25 Octobre 2023 nous informe ainsi simplement qu’« il convient de renforcer les mesures régissant la pêche récréative de bar européen dans les divisions CIEM 8a et 8b, compte tenu de son incidence considérable sur la biomasse de ce stock et de la baisse de cette biomasse ».
Enfin, un dernier chiffre cette fois ci pour rebondir sur la pêche du lieu : 67 %. C’est le nombre de pêcheurs interrogés pour une récente étude de l’IFREMER et favorables à la mise en place d’un quota journalier pour la pêche récréative du lieu jaune en France.
On espère que cet article aura pu vous informer sur la règlementation 2024 mais aussi sur la « légèreté » des données sur lesquels les scientifiques se basent pour faire leur proposition concernant la pêche de loisir. S’il est incontestable que sur certaines espèces nous jouons un rôle qu’il faut prendre en compte dans la réglementation et la gestion des stocks, on espère que dans les prochaines années les scientifiques disposeront de données plus précises concernant notre activité et notre impact. Il en va de la bonne gestion des stocks de certaines espèces mais aussi de la bonne compréhension et de l’acceptation de ces mesures qui nous sont imposées.
2 comments
articles bien fait
Merci Richard 😉