A cette question très candide, voire « nerdy », issue d’une discussion bien arrosée entre pêcheurs de black bass, la réponse la plus communément apportée est souvent, et à juste titre : « un rubber jig ».
De cette catégorie de leurres fourre-tout d’apparence similaire, se dégage en réalité des sous catégories, dont celle qui nous intéresse aujourd’hui : le swimming jig. Au travers de ces quelques lignes, je vais tenter de vous faire entrevoir pourquoi cet outil est indispensable une grande partie de l’année pour traquer le brochet, la perche, le bass et le sandre parfois.
Contextualisation
En France, la fin des années 90 et le début des années 2000 ont été le théâtre de l’explosion du leurre dur en provenance du Japon ou des Etats-Unis. Les différentes tendances inondaient le marché, l’engouement et l’excitation gagnaient le rang des pêcheurs, mais petit à petit, ceux-ci se perdaient face au magma de leurres qui leur était présenté…

La connaissance technique et culturelle induisant l’utilisation appropriée d’une catégorie de leurres n’ayant pas toujours traversé les océans à mesure que les produits débarquaient dans les rayons des détaillants, cela a souvent mené à des idées reçues, des préconceptions erronées, des utilisations mal à propos, façonnant la conceptualisation de certaines approches et donc, par prolongement, le paysage technique Français. En fonction du discours des importateurs et des pionniers, certains leurres ou certaines techniques ont été estampillés uniquement « leurre à black-bass », sans même avoir l’opportunité d’évoluer en dehors de cette sphère, condamnant alors la progression technique générale.

A l’heure ou la pêche des carnassiers, et du brochet en particulier, est tournée de manière presque monolithique vers le big baiting et l’approche pélagique, il semble essentiel de revenir en détails sur certains fondamentaux et ajustements, nous faisant abandonner la quête du large et du profond, pour nous rapprocher du bord. Le swimming jig est l’outil parfait, qui, depuis le bord, en float tube, kayak ou bateau, nous permettra de prendre du poisson toute l’année sur des zones peu à peu délaissées.
Avant de plonger en détails dans ce qui nous intéresse aujourd’hui, il convient de rappeler qu’un leurre, relativement à ses attributs, s’adapte avant tout à un milieu avant même de prendre en considération le poisson cible. Chaque leurre est désigné pour répondre à une fonction précise en fonction du contexte qui s’offre à nous.

Qu’est ce qu’un « swimming jig » ?
Le swimming jig fait avant tout référence à une action ; celle de faire « nager » (to swim) son leurre au travers des différentes couches d’eau, en lui imprimant plus ou moins de mouvements. On pourrait partir du postulat que rien ne nous interdit d’utiliser un rubber jig ordinaire, mais puisque nous décortiquons la technique, autant être précis jusqu’au bout.

En se penchant davantage sur la physionomie d’un swimming jig, on remarque que la forme de la tête est plus allongée, souvent pointue, afin de mieux fendre l’eau et les herbiers sur le plan horizontal. Le point d’attache de la ligne se situe dans l’axe de la tête et est souvent légèrement emprisonné dans la masse afin d’éviter de collecter herbes et autres débris. La brosse qui protège l’hameçon des accrocs est souvent moins fournie et plus souple que celle d’un jig destiné à pêcher des postes très encombrés. Ceci afin de faciliter la pénétration de l’hameçon dans la gueule du poisson. Pour la même raison, l’hameçon est souvent plus fin de fer.
Au-delà de forme, ce qui distingue le plus un swim jig d’un rubber jig traditionnel, c’est la répartition de la masse sur la tête. Celle-ci est repartie sur la partie postérieure basse, afin de mieux équilibrer le leurre lors de sa progression sur le plan horizontal. Cela permet à l’ensemble de rester bien droit, tout en respectant une trajectoire rectiligne.

A la vue de ses attributs, vous l’aurez compris le swimming jig est un leurre de contact, un leurre qui permet souvent de passer là où d’autres leurres armés de triples, rencontreraient des difficultés à évoluer à leur pleine mesure. Des structures naturelles telles que les bois immergés, aux constructions faites par la main de l’homme telles que les pontons, les jetés, les structures métalliques, en passant par les herbiers divers et variés, ou bien encore la pleine eau, le swimming jig est à l’aise partout.
Par opposition à un rubber jig classique, qui s’inscrit dans une prospection verticale lente permettant de décortiquer une surface restreinte, le swimming jig est un leurre dit de « power fishing » qui permet de battre beaucoup de terrain dans toutes les conditions possibles.
Qu’est-ce qu’un swimming jig imite ?
On s’interroge souvent sur ce qu’un swimming jig imite et la réponse est quasi automatique : une écrevisse.
En réalité un swimming jig imite ce que l’on souhaite au moment où on le souhaite. Difficile d’entrevoir le sens de cette phrase ? Je m’explique.

Le swimming jig est un leurre customisable sur lequel de nombreux paramètres peuvent être modifiés en fonction du fourrage et du contexte qui se présentent à nous. En changeant la couleur, l’épaisseur et la longueur de la jupe, et en changeant le trailer de notre jig, on propose un profil et des vibrations qui seront adaptés à n’importe quelle température d’eau et aux migrations ou activités saisonnières de l’ensemble des proies potentielles présentes dans nos écosystèmes. Les écrevisses sont présentes toute l’année. Le poisson blanc fraie en début de saison, les grenouilles sont actives d’avril à fin octobre, les alevins de poissons blancs se concentrent d’août a novembre, les perches soleil sont là du printemps a la moitié de l’automne, etc… Cette longue liste s’étire sur toute l’année et ses éléments partagent un point commun essentiel. Tout ce fourrage mesure moins de quinze centimètres (sauf exception). Toute cette vie évolue sur le bord et pour la grande majorité dans des zones de moins de trois mètres de fond.
Pour s’adapter à la saisonnalité, au fourrage à imiter et à la profondeur à laquelle le leurre doit évoluer, nous allons modifier deux paramètres. Le premier semble évident, il s’agit bien évidemment du poids du leurre. Le second en revanche est parfois plus flou tant la quantité de produits et de formes proposées sont infinies. Il s’agit du trailer, le leurre souple que l’on va adjoindre à notre swimming jig.

La forme de trailer certainement la plus utilisée, est le soft swimbait ou paddle tail. Vulgairement appelé « shad », ce leurre souple permet de proposer un profil de poisson, mais bien plus encore. En effet, en fonction de la taille de la caudale du leurre, notre swimjig évoluera plus ou moins profond. Plus la caudale du leurre sera imposante, plus la progression de notre ensemble dans la colonne d’eau sera retenue. En sachant cela, à poids de swimjig égaux, on a la possibilité de proposer des profils plus ou moins imposants à des profondeurs relativement faibles.

Au-delà de l’aspect de la profondeur, c’est l’action générale qui doit être prise en compte. Un paddle tail va permettre de réduire la vitesse de progression de notre leurre, mais également d’envoyer de puissants signaux vibratoires. C’est particulièrement intéressant lorsqu’on évolue dans des eaux froides ou teintées. Un swimbait/paddle tail va décupler l’action de notre swimjig. La queue du leurre souple entraînera un dodelinement de la tête, augmentant l’attractivité du leurre. La jupe profitera également de cette action prononcée. Celle-ci se gonflera et vibrera à la mesure des battements de la caudale. Un Magdraft 5’, un Spark Shad 4 ou 5, un Spindle worm, un Hazedong Shad de chez Megabass, un Full Swing de chez Raid Japan ou bien encore un One up shad de chez Sawamura seront des trailers parfaits. En fonction de la tonicité de leurs gommes, vous obtiendrez des actions différentes qui permettront de pêcher à des profondeurs étagées, dans des températures d’eau variées. Plus la gomme sera dure, plus le leurre retiendra le jig et donc moins vous pécherez creux. Encore une fois, le choix se fait en fonction du contexte de pêche qui se présente à nous. L’ensemble swimjig soft swimbait est indéniablement le plus utilisé. Extrêmement efficace, il ne couvre cependant pas toutes les situations.

L’emploi d’un slug, d’un soft jerkbait ou d’un grub tel qu’un Madfin de chez Madness, un Superfish Roller de chez Raid Japan ou encore un Xlayer Curly de chez Megabass, permettra de réduire l’effet « parachute » du trailer, tout en proposant un profil et un volume plus ou moins imposants. On conservera de l’action, mais plus subtile, tout en permettant à notre ensemble d’évoluer à des profondeurs plus importantes sans pour autant avoir à augmenter le poids de notre tête. La présentation est donc moins agressive, et sera parfaite pour imiter un petit gardon ou une ablette. En observant les bans de poissons fourrage sous l’eau, on se rend compte qu’il est rare que ceux-ci envoient de forts signaux vibratoires. Les nages sont souvent étriquées, et minimalistes. Il faut toujours avoir ce paramètre en tête pour éviter parfois de proposer des leurres trop agressifs.

A l’inverse, une écrevisse qui flappe (forte action vibratoire des pinces), est un trailer offrant une action très prononcée créant beaucoup de turbulences. L’ensemble sera très facile à détecter pour les carnassiers, et il nous autorisera à pêcher dans des eaux très teintées si besoin. Les appendices permettent de freiner la progression du leurre, dans la colonne d’eau. Ainsi, on pourra pêcher lentement, mais également dans très peu d’eau. La surface offerte par l’écrevisse et ses pinces aide le passage dans les obstacles mais donne également beaucoup de portance a l’ensemble permettant d’évoluer très proche de la surface. Cela facilite grandement la prospection des berges, des nénuphars, des herbiers de surface, ou des bordures caillouteuses en fin d’été ou à l’automne lorsque la biomasse explose sur ce genre de spot. L’ensemble imite bien évidemment une écrevisse, mais peut parfaitement copier une grenouille ou bien encore une perche soleil le moment venu. Cet ensemble est sous utilisé et pourtant il est à mon sens le plus redoutable et polyvalent.

Vous l’aurez compris, un swimming jig est un outil customisable au possible. La taille et la densité de la jupe peuvent être modifiées et réduites, changeant ainsi la vibration et le volume, ce qui permet de proposer un profil différent, collant un maximum au fourrage que l’on souhaite reproduire en fonction des conditions du jour. Raccourcir la jupe permet également de faire ressortir davantage le leurre souple, mais surtout de ne pas inhiber l’action des appendices vibratoires de celui-ci. Chaque trailer cité plus haut proposera un profil plus ou moins discret et un spectre d’actions allant de très subtiles à très agressives. A vous de trouver le menu du jour !
Animation :
Concernant l’animation, il y a deux écoles. La première prend son origine dans le Wisconsin dans les années quatre-vingt, avec pour pionnier Tom Monsoor. Ce pêcheur professionnel spécialiste de la partie haute du fleuve Mississippi a mis au point cette technique lors d’une action des plus banale. En effet, alors qu’il décortiquait une berge avec un rubber jig traditionnel, lors des derniers mètres de sa récupération, il s’apprêtait presque à relancer, quand un bass de très belle taille pour les lieux, se saisit de son leurre. Lors des lancers suivants il reproduisit cette récupération linéaire en léchant les obstacles, comme s’il récupérait un spinnerbait. Deux heures passèrent et une trentaine de poissons au bateau, lui confirmèrent qu’il tenait entre ses mains quelque chose de spécial. Pendant des années Tom Monsoor va parfaire sa technique, développer des jigs adaptés et trailers appropriés, et gagner plus d’un million de dollars sur les différents circuits bass.

L’animation consiste donc à récupérer son leurre au moulinet en conservant sa canne haute, avec une position du scion entre dix ou onze heures, sans trop tendre sa ligne. Effectivement il est important que le leurre puisse évoluer de la manière la plus naturelle possible, en léchant les obstacles sans s’y accrocher.
A peu près au même moment, les pêcheurs d’Alabama développèrent une technique, ou devrais-je dire une récupération, différente. Cette animation appelée « l’Alabama Shake », consiste à mouliner sans jamais cesser de secouer sa ligne afin de faire trembler son leurre. Cela permet de créer davantage de bruit et de vibration, de rendre le leurre visuellement plus attractif, et donc de solliciter les poissons opportunistes poster sur des endroits marqués. Secouer le leurre en permanence permet également de le faire planer davantage dans la colonne d’eau et donc de le laisser quelques secondes de plus dans la zone de tenue des poissons, favorisant ainsi les attaques. Cette technique a pris énormément d’ampleur dans le sud des Etats-Unis, car elle est très adaptée aux profondeurs inférieures à deux mètres, lorsque les eaux sont teintées et chargées, et lorsque la végétation aquatique est fournie.
Ces deux animations/récupérations sont complémentaires et permettent de faire face à n’importe quel contexte, tout au long de l’année. Pour mettre tout cela en pratique, il vous faudra un matériel ajusté. Cette technique se pratique en casting. Il est nécessaire d’avoir suffisamment de longueur de canne pour favoriser un contrôle optimal de la ligne, mais aussi pour favoriser des ferrages efficaces et puissants. Une canne de 7’2 à 7’6 et de puissance MH+ à H+ devra être dotée d’une pointe légèrement souple sur les vingt premiers centimètres. Cet élément est essentiel pour une animation adaptée et pour offrir un léger temps de latence au poisson pour se saisir du leurre. En effet, notre leurre progressant dans la colonne d’eau de manière horizontale à une certaine vitesse, une canne trop raide pourrait nous amener à arracher le leurre de la gueule du poisson lors de la perception de la touche. Un corps de canne très rigide est essentiel afin d’être efficace au ferrage. Lors du combat, lorsqu’il s’agit de contrer la puissance de gros poissons à proximité de structures immergées, une canne puissante est toujours un atout indéniable.

Concernant le ratio du moulinet, un ratio intermédiaire est à privilégier afin de ne pas récupérer trop rapidement lorsqu’on a besoin de présenter un leurre de manière plus lente. Il est toujours plus facile d’accélérer que de ralentir. En effet, ralentir la récupération sur toute une journée lorsqu’on utilise un fort ratio est quasiment impossible et demande beaucoup trop de concentration. Un ratio autour de 7 sera un bon compromis.
Une tresse au diamètre élevé est nécessaire lors de combats rapprochés et souvent intenses. Une tresse de quarante à cinquante livres ne doit pas vous effrayer. Ce diamètre permet de cisailler les herbiers, tout en aidant le jig à planer davantage. Une tresse de diamètre élevé offre beaucoup plus d’appui dans l’eau et coule moins vite qu’une tresse fine.

Points à avoir en tête :
- Ne pas adjoindre un trailer démesuré par rapport à la taille de votre jig et de l’hameçon de celui-ci. La queue du trailer doit être en harmonie avec l’ensemble. Dans l’idéal, on cherche à avoir une association swimjig/trailer compacte, avec la queue du trailer le plus proche possible de la pointe de l’hameçon.
- Éviter de concentrer trop de matière sous la pointe de l’hameçon afin de bien la dégager et faciliter la pénétration de celle-ci dans la gueule du poisson. Attention aux trailer trop épais ou trop hauts !
- Le trailer, au-delà de son action et de ses effets sur le jig, est un point de fixation d’attaque. Cela permet au carnassier de cibler l’endroit où il va mordre.
- Le swimming jig et son trailer se suffisent à eux-mêmes. Nullement besoin d’ajouter un hameçon chance. Cela serait contre-productif. Ajouter un hameçon chance inhibe l’action du trailer, tout en entravant grandement la capacité du jig à passer dans n’importe quelle structure. Si vous subissez des touches courtes, c’est que vous devez changer un des paramètres de votre jig (couleur, poids, vibration du trailer, profil, longueur de la jupe…)
- Le trailer doit être enfilé bien droit et de manière équilibrée sur la hampe de l’hameçon, afin que l’ensemble progresse de manière rectiligne et équilibrée.
- Penser à bien aligner la brosse du jig avec la pointe de l’hameçon sous peine de voir son leurre pencher d’un côté ou de l’autre lors de la récupération.
- Varier les vitesses de récupération et les animations. Laisser les poissons vous dire ce qu’ils veulent.
- Même si ce n’est pas sa fonction initiale, ne pas hésiter à effectuer des pauses pour décortiquer une structure si besoin. Est-ce que la présentation sera optimale ? Non, mais un carnassier posté et opportuniste ne refusera que rarement une proie facile. Il n’est également pas interdit de skipper un swimming jig !!!
- Lors de la touche, continuer à mouliner tout en comprimant la canne avec puissance. Dans la grande majorité des cas, le poisson se pique seul, comme il le ferait sur un spinnerbait.
- Le swimming jig fonctionne toute l’année sur toutes nos espèces de carnassiers.
- Les associations couleur de jupe et couleur de trailer, et volume de jupe et volume de trailer, permettent d’imiter tout ce que l’on souhaite. Une jupe est un élément customisable, il ne faut pas hésiter à la raccourcir si besoin.
J’espère que cet article vous permettra de piocher quelques éléments qui vous aideront à progresser et à envisager les choses différemment. Le swimming jig est une technique redoutable, un peu délaissée, qui est pourtant parfaitement adaptée à la traque du brochet, de la perche du black bass et parfois même du sandre. Outil redoutable pour battre du terrain, explorer les berges et les endroits peu profonds, nul doute qu’il vous fera attraper du poisson partout où vous irez. Le swimming jig est une alternative à la sacro-sainte tête plombée, avec un aspect couteau Suisse qui vous permettra de contrecarrer la « trend » actuelle du big bait. A mon sens, c’est un leurre à avoir dans sa boite tout au long de l’année.
Comme toujours, si vous avez davantage de questions, et que vous souhaitez discuter de points précis, de choix de materiel, n’hésitez surtout pas à venir nous en parler sur les réseaux Ultimate Fishing !
A très bientôt.
JC