Nous sommes ravis de laisser la parole à Matteo Risi à travers le récit de son beau voyage en Basse Californie. Le blog UF étant un espace d’échanges entre passionnés, nous sommes heureux de vous partager cette histoire que nous avons lu avec grand plaisir. Merci Matteo et bravo à vous deux !
Une idée folle !
La pêche, ce n’est pas juste prendre un poisson. C’est prendre LE poisson, celui pour lequel on se couche et celui pour lequel on se lève. La pêche, c’est aussi se donner corps et âme et repousser ses limites au-delà de l’imaginable. La pêche, c’est enfin et presque avant tout des rencontres. Mélangez tout cela, un ami, beaucoup de folie, et l’aventure s’ouvre alors à vous.
Avez-vous ce genre de pote qui vous appelle à 23h un dimanche :
« Allo, ça te dirait de partir 2 semaines en road-trip pêcher le poisson coq au Mexique ?»
Quand on parle pêche exotique, on pense aux peacock-bass d’Amazonie, aux grosses carangues GT de Madagascar ou encore au marlin géant. Avec Thomas, pour notre premier voyage de pêche exo, nous avions mis la barre haute : partir au Mexique en Basse Californie du Sud pour pêcher un poisson coq géant, mais du bord ! Un vrai défi, presque un peu trop fou …
BAJA CALIFORNIA SUR : UN PARADIS (PRESQUE) PERDU ENTRE DESERT ET MER
La Basse Californie du Sud est un état indépendant du Mexique. Langue de terre aride de 1300 km où il ne pleut que très rarement et où les cactus font loi, elle est bordée sur sa rive Ouest par l’océan Pacifique et par la Mer de Cortez sur sa rive Est. Lorsque vous vous promenez sur la « croisette » de La Paz, la capitale de la région, vous tombez sur une statue du célèbre commandant Cousteau, qui surnomma la mer de Cortez « Aquarium du monde».
En effet, le Golfe de Californie constitue aujourd’hui l’un des écosystèmes marins les plus riches du monde, renfermant près des deux-tiers des espèces de cétacés de la planète et une impressionnante diversité de poissons. Et si vous voulez rencontrer et nager le plus gros poisson de la planète, vous êtes au bon endroit. C’est un paradis à requins-baleines !
Après un premier vol de 11h entre Charles de Gaule et Mexico City, puis un second vol de 2h45, nous atterrissons finalement à San Jose Del Cabo, à l’extrême sud de la péninsule. Avec la ville de Cabo San Lucas, ces deux villes (surnommées Los Cabos) constituent le hot-spot touristique de la région.
Cabo San Lucas est également réputé comme étant la capitale mondiale de la pêche au marlin. La ville vie presque exclusivement du tourisme et la pêche en est son principal atout. La marina regorge ainsi de Yach équipés pour la pêche au très gros et ce n’est pas pour rien que chaque année, elle organise le plus gros concours de pêche au monde: le Bisbee. Des chiffres à faire tourner la tête: 750 000 $ l’inscription et plus de 4 millions de dollars de récompense pour le vainqueur ! C’est dire de l’ambiance atypique qui règne dans cette marina. A peine vous y mettez un pied que tous les locaux vous interpellent pour vous proposer une partie de pêche à bord de leur panga, une embarcation locale bien plus modeste que les précédentes mais tout aussi typique.
LAYLA
Nous sortons de l’avion bien fatigué avec Thomas et alors qu’il n’est que 8h du matin, le soleil harassant nous brûle déjà le visage. Nous devons encore attendre la navette de 13h qui doit nous emmener récupérer notre voiture de location, qui sera également notre maison pour les 2 prochaines semaines.
Nous récupérons la voiture à Todos Santos, une petite ville au bord de l’océan Pacifique. Avec Thomas, nous avions trouvé pile ce qui nous fallait : un 4×4, indispensable pour pêcher en Basse Californie car vous devez systématiquement faire du hors-piste pour accéder aux spots de pêche. Le propriétaire, un américain installé là depuis des années, avait équipé le 4×4 de tout l’équipement nécessaire pour camper : tiroirs à l’arrière avec couteaux, fourchettes, assiettes, gazinière, mais aussi des sacs de couchage. Malheureusement il nous manquait les tentes et les matelas et c’est ainsi qu’avec Thomas, nous avons dormis deux semaines durant à l’arrière de Layla, notre désormais fidèle voiture (ainsi dénommée par son propriétaire), sur une simple planche de bois. Pendant le repas le soir, nous faisions tourner le moteur de la voiture, histoire de recharger à l’aide d’un transformateur les batteries des appareils électroniques (GoPro, téléphones, caméras…)
Pour la douche ? Une bouteille d’eau et un morceau de savon. Pour la vaisselle ? Un océan à notre disposition. Nous avions développé par ailleurs des compétences hors du commun car les vagues puissantes avaient tôt fait de nous arracher les assiettes des mains. Imaginez-nous, au milieu de nulle part, roulant sur une plage de sable fin, canne en main par la fenêtre, scrutant le creux des vagues à la recherche de la crête du fameux poisson coq …
PREMIER JOUR DE PECHE ET PREMIERES RENCONTRES
Après une « bonne » nuit de sommeil, il est temps de se consacrer à 100% à notre traque.
En fin d’après-midi, nous nous rendons sur une plage du Pacifique entre Todos Santos et Los Cabos et nous enchainons les lancers. Soudain, une crête se dévoile déjà dans les vagues, à quelques centimètres derrière le leurre de
Thomas. L’excitation est à son comble. Mais tel un fantôme, l’animal disparait. A côté de nous, des Mexicains sont arrivés et comme nous, ils lancent de toute leur force leur leurre dans les vagues du Pacifique. Nous décidons d’aller leur parler. C’est ainsi que nous rencontrons Daniel, Juan et Alberto, qui deviendrons nos amis et nos guides. C’est de loin les personnes les plus hospitalières et généreuses que j’ai pu rencontrer. Au cours de ces 2 semaines, nous pêchons tous les jours avec eux et Juan nous invite même à dormir chez lui sur le canapé pour quelques nuits. Nous avons été accueillis comme des rois par ces
gens qui ne nous connaissaient même pas avant, et à travers cet article nous tenions du fond du cœur à les en remercier.
EL GALLO
Le poisson coq (Nematistius pectoralisde son nom latin) est une espèce que l’on retrouve uniquement dans l’océan Pacifique, entre le sud de la Basse-Californie et les Iles Galapagos. Pouvant atteindre 1m80 pour une cinquantaine de kilos, on le reconnait très aisément grâce sa fameuse crète en guise de nageoire dorsale, qu’il hérisse lorsqu’il est en chasse. Vivant en banc de quelques individus lorsqu’il est de petite taille, les gros individus tendent eux à une vie plus solitaire.
De manière générale, le coq vit à proximité des côtes car il y trouve des eaux plus chaudes et riches en nourriture. La meilleure période pour le pêcher là-bas s’étale de début mai à la fin août, jusqu’au moment où les coryphènes arrivent, car ils rentrent rapidement en compétition alimentaire avec celles-ci.
Le pêcher depuis la plage n’est possible qu’en de rares endroits au monde et la Basse-Californie du Sud en fait partie. Là-bas, c’est une institution à part entière et il s’agit du seul poisson pêché en no-kill par les mexicains. Cette pêche requiert un mental d’acier mais aussi de bonnes conditions physiques. La première chose qui nous a vite interpelé avec Thomas a été la longueur des plages : des kilomètres et des kilomètres de plage de sable. Mais alors, comment trouver un fantôme, du bord, et sans savoir où chercher ?
Côté Pacifique, les vagues sont extrêmement puissantes et creusent parfois de hautes dunes. Elles nous permettent de nous placer en hauteur et de scruter l’eau, à la recherche d’indices. Evidemment, la première chose que l’on recherche quand on pêche le coq du bord, c’est de voir cette fameuse crête transpercer le creux des vagues. Cependant, d’autres indices peuvent traduire la présence du prédateur. En ouvrant les yeux, on peut parfois voir frémir la surface de l’eau. Sardines, mulets ou encore orphies sont les mets préférés des coqs. Ils adoptent une technique de chasse particulière : ils tournent en dessous du banc de “bait fish”de manière à concentrer les poissons, et progressivement, les poussent vers le rivage. Lorsque le banc est suffisamment proche du bord, ils tracent une ligne droite perpendiculaire à la rive, frappe dans la boule de poisson, et de la même manière qu’ils sont venus, repartent plus au large. Les attaques sont fulgurantes et ne durent parfois que quelques secondes. Il faut donc être prêt à lancer à tout instant et avoir un très bon cardio pour pouvoir courir d’une chasse à une autre. C’est une pêche parfois très ingrate mais qui procure d’intenses montés d’adrénaline.
Le principal pic d’activité des coqs est le matin, dès les toutes premières lueurs du jour. Il faut donc être prêt à mettre le réveil à 5h du matin si vous voulez maximiser vos chances. Nous avons remarqué au cours de notre séjour que les pics d’activités étaient beaucoup plus intenses lors des matinées peu nuageuses. En effet, on peut supposer que des ciels bas et des couvertures nuageuses importantes font penser aux poissons qu’une tempête arrive, ce qui tend à les pousser plus au large.
QUAND LES CONDITIONS SONT CONTRE VOUS
Les coqs sont des poissons tropicaux avec d’importants pics d’activités lorsque les eaux sont suffisamment chaudes. Malheureusement, cette année, lorsque nous étions au Mexique, des tempêtes à répétition au large ont poussé des eaux plus froides à proximité des côtes. Les locaux eux même nous ont confirmé que la situation était inhabituelle, car les poissons étaient très peu actifs. Nous avions également un vent soutenu et de face, ce qui réduisait considérablement nos distances de lancer et augmentait dans un même temps la taille des vagues. Je vous conseille fortement au passage de télécharger l’application Windy, qui nous été d’une aide précieuse pour déterminer nos spots de pêche d’un jour à l’autre. Pour avoir une chance de capturer notre cible, il nous fallait donc des eaux chaudes chargées en nutriment, peu de vent et des vagues modérées.
LE SAINT GRAAL
Après une traque de près de 2 semaines et des milliers de lancers plus tard, Thomas finit enfin par capturer le poisson tant recherché. Un pur bonheur d’entendre enfin siffler le frein.
Quand ce sera votre tour, rappelez-vous, les vagues au Mexique sont puissantes, alors n’oubliez pas d’enlever vos lunettes de votre tête avant de relâcher le poisson. N’est-ce pas Thomas ?
Loin du monstre recherché, ce poisson nous montre que tout n’est parfois pas qu’une question de taille, car il représente avant tout l’accomplissement d’un défi.
QUEL MATERIEL UTILISER ?
Canne, Moulinet, fils
Avoir un matériel adapté est indispensable si vous ciblez le coq du bord. Il est nécessaire d’avoir une canne très bonne lanceuse et particulièrement longue, entre 3m50 et 4m. Nous étions partis avec une Tenryu Ventury 300 pour la pêche du coq mais j’aurai tendance à vous recommander plus la Ventury 360, plus longue que la précédente. Les vagues de la côte Pacifique sont hautes et puissantes et il faut être capable de lancer derrière elles.
Côté moulinet, un 5000 ou 6000 équipé de 300m de tresse en 30lb sera parfait. J’avais opté pour une YGK G-Soul Super Jigman X8, conçue pour les pêches fortes. Il n’est pas nécessaire d’avoir un moulinet plus gros et donc plus lourd, qui pourrait vous encombrer. Cependant, il est important que le moulinet soit de bonne facture, car il sera mis à très rude épreuve.
Enfin optez pour 1m à 1m50 de 50lb en bas de ligne raccordé par un nœud fg au corps de ligne. Prenez le temps de bien faire votre nœud car la moindre imperfection vous coutera vite très cher.
Vous pouvez également si vous partez en Basse Californie du Sud cibler les carpes rouges ou autres « red snapper » Ces poissons sont d’une force incroyable dont j’ai moi-même pu en faire les frais. Elles vivent à proximité des zones rocheuses, contrairement aux coqs et aux dorades coryphènes ce qui met notre matériel de pêche à encore plus rude épreuve. Pour ce poisson, je vous conseille vivement des cannes typées popper, avec une grosse réserve de puissance, telles que la Red fight 120 ou la Furrary travel 80 lb, un peu plus légère que la précédente mais pratique si vous voulez voyager sans bazooka.
Leurres
Le coq se pêche principalement aux leurres de surface. Misez sur des leurres denses et aérodynamiques entre 2 et 3oz. Le premier critère est sans aucun doute la distance de lancé de votre leurre. Le Flapsturie de chez Xorus est un des meilleurs compromis ; côté pencil, le Hydra 220 est un missile.
Petit conseil : Il arrive que les coqs viennent chasser particulièrement proche de la berge. Dans ces cas-là, votre leurre doit bouger beaucoup d’eau si vous voulez avoir la chance de les intéresser. Sortez les poppers !
FIN DE VOYAGE ET DERNIERS POISSONS
Au cours de notre voyage, nous n’aurons pas eu la chance de recapturer un poisson coq. Au vu des conditions particulièrement difficiles, nous en avons profité pour cibler d’autres espèces et notamment les dorades coryphènes (très abondantes en fin d’été et au cours de l’automne là-bas). Cette fois-ci, ce fut en bateau, et avec les locaux. Sur une canne légère et plus courte telle que la Tenryu Diablo travel 50lb, quel régal ! N’hésitez pas si vous partez en mer à demander à utiliser votre propre matériel, au risque sinon de pêcher avec une trique plutôt qu’une canne à pêche.
Enfin, dernier conseil. Si la pêche est compliquée, n’oubliez pas que la pêche au posé peut se révéler particulièrement efficace là-bas, surtout la nuit. Cubera, coconaco et autres snooks rodent. Veillez cependant à rester proches des cannes, attention aux départs !
À bientôt !
2 comments
Absolument genial cet article, cela donne fortement envie d’y aller .
Merci pour eux ! Cela a également inspiré plusieurs personnes dans l’équipe !